Interview de l’Ambassadeur de France au Rwanda pour MGH Partners
Diplômé de Sciences Po et énarque, Antoine Anfré a notamment occupé les postes de sous-préfet de Limoux (Aude) entre 2000 et 2003, puis de premier conseiller d’ambassade à Nairobi et à Ankara. Il a également été numéro 2 d’ambassade à Londres de 2011 à 2014 puis ambassadeur au Niger. Depuis mai 2021, Antoine Anfré est ambassadeur de France au Rwanda.
La relation entre le Rwanda et la France, aussi complexe soit-elle, a récemment pris un tournant décisif. Avec une normalisation des relations, une diplomatie économique renouvelée et le prochain sommet UE-UA, le Rwanda occupe aujourd’hui le devant de la scène diplomatique sur le continent africain.
Pour en parler, l’Ambassadeur Antoine Anfré, a accepté de répondre aux questions de la Newsroom.
Après 6 ans de vacance du poste d’ambassadeur à Kigali, le Président, Emmanuel Macron, a annoncé le 27 mai le retour d’un ambassadeur français au Rwanda lors d’une visite dans le pays, marquant une normalisation des relations entre les deux pays. Il a notamment reconnu les « responsabilités » de la France dans le génocide des Tutsis de 1994. Comment interprétez-vous votre nomination hautement symbolique ?
Cette nomination s’inscrit dans le cadre d’un processus dans la durée, qui commence avec l’élection d’Emmanuel Macron en 2017. Il y avait déjà eu des tentatives de rapprochement lorsque Nicolas Sarkozy était président mais elles n’avaient pas pu aboutir, puis une parenthèse sous le précédent quinquennat Hollande.
Je pense qu’il y a au moins 4 actes, qui ont été décisifs avant ma nomination. La première étape essentielle c’est le soutien de la France à la candidature de Louise Mushikiwabo au Secrétariat général de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). C’est hautement symbolique. Le Rwanda a en effet fait le choix de l’anglais, en tant que langue de l’enseignement. Faire en sorte que l’ancienne ministre des Affaires étrangères du Rwanda devienne secrétaire générale d’une organisation francophone n’était donc pas neutre. Ce soutien a d’ailleurs été reproché au Président de la République. Pourtant, c’était une décision visionnaire, qui contribue désormais à consolider la place du français au Rwanda.
Deuxième étape importante, l’arrestation de Félicien Kabuga, qui est le financier du génocide, et que l’on peut qualifier de présumé génocidaire puisqu’il n’a pas encore été jugé. Il a été arrêté par l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité (OCLCH). Il vivait sous une fausse identité à Asnières-sur-Seine. Depuis sa cavale en 1994, il a changé d’identité 30 fois et a vécu dans une vingtaine de pays avant de se fixer en France. Un gros travail d’enquête a été mené par les gendarmes, les juges et magistrats du Parquet national antiterroriste (PNAT), qui en son sein a un pôle Crimes contre l’humanité qui enquête sur les présumés génocidaires rwandais. En liaison avec le mécanisme résiduel des tribunaux pénaux internationaux, ils ont pu arrêter Félicien Kabuga en mai 2020. Au Rwanda, cette arrestation a été très appréciée puisque c’était un des fugitifs les plus recherchés au monde.
La troisième étape absolument décisive est la remise du rapport Duclert sur le génocide des Tutsis. Une commission indépendante composée d’une quinzaine d’historiens et d’archivistes a été mise en place par le président de la République. Pendant deux ans, elle a eu accès à 8 000 documents déclassifiés émanant des archives du Quai d’Orsay, du ministère de la Coopération, de la DGSE, du ministère des Armées. Seules les archives de l’Assemblée nationale sont restées inaccessibles. Cette commission a rendu un rapport fin mars 2021 qui conclut à la responsabilité accablante de la France dans le génocide des Tutsis. Cela a permis d’avoir un narratif commun entre la France et le Rwanda sur un des évènements les plus tragiques du XXème siècle. La remise de ce rapport a été essentielle pour permettre la quatrième étape décisive dans le rapprochement entre les deux pays.
La quatrième étape est évidemment la visite du Président Macron à Kigali en mai 2021 avec son discours historique au Mémorial de Gisozi. Les mots qu’il a prononcés étaient ceux que les Rwandais attendaient. Il leur a notamment demandé de lui faire le don du pardon et a reconnu la responsabilité partagée de la France dans ce qu’il s’est passé.
Emmanuel Macron a présenté à Paul Kagame, le rapport Duclert et un certain nombre de propositions : le retour de l’AFD avec 500 millions d’engagement sous forme de prêts essentiellement, la réouverture du centre culturel francophone de Kigali et la nomination d’un ambassadeur.
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La suite de l’interview est disponible gratuitement sur le site de MGH Partners : https://mgh-partners.com/antoineanfrerwanda/